Ne laissons pas le froid geler notre parole.
Le deuxième mois de l’année commence et nous amène ce froid qui gèle les paroles dans l’haleine exhalée.
Premier grand froid d’un hiver qui ne se montrait pas encore.
Préparant une rencontre sur le thème des contes inuit, j’avais justement la possibilité de découvrir « Nanouk l’Esquimau », le film de Robert Flaherty (1922) et « La saga des Inuit » de Jean Malaurie, quatre films de 52 minutes réalisés à partir des 10 films de Jean Malaurie, suivis d’un passionnant entretien-portrait de l’auteur (coffret DVD INA, Paris, 2007).
Je regardais avec attention et émotion ces films qui sont déjà des témoignages historiques de la vie passée d’un peuple pour lequel j’ai une grande admiration.
« Atanarjuat » de Zacharias Kunuk, avait déjà suscité mon intérêt lors de sa sortie en 2002. Il était le premier long métrage à avoir été écrit, réalisé et joué entièrement en inuktikut, la langue des Inuit du Canada, et les suppléments qui accompagnent le film permettent de comprendre les codes et les rituels de la vie de ce peuple.
En quelques décennies, les conditions d’existence des Inuit ont été radicalement modifiées par l’exploitation industrielle et l’extraction pétrolière, ils ont été spoliés de leurs territoires et contraints de s’adapter à un mode de vie destructeur de leurs valeurs et leur robustesse.
J’avais la sensation d’un gâchis irrémédiable en regardant ces images, témoignage du génie de ces hommes pour vivre dans des conditions extrêmes. Témoignage de leur adaptabilité, leur résistance, leur philosophie… et leur humour. Il y avait du rire dans leurs yeux, et des jeux dans leur vie.
Une parole de Jean Malaurie m’a frappée par sa précision lapidaire et respectueuse lorsqu’il dit d’eux : « C’est Lascaux vivant. »
Merci, Monsieur Malaurie, de nous rappeler cette réalité : les habitants des grottes de Lascaux n’étaient sans doute pas des sauvages sans foi ni loi, comme on nous l’a fait croire si longtemps.
Les savants qui étudient cette période de notre histoire le répètent au fil de leurs découvertes, mais il est difficile de contrecarrer des idées reçues.
Nous sommes nombreux à être devenus sensibles à la cause des Inuit qui subissent ce triste sort au nom du progrès, et plusieurs conteurs à proposer des spectacles reprenant les contes et les mythologies des Inuit.
Nous avons la possibilité de pouvoir transmettre – à notre échelle et avec nos moyens, là où nous sommes – ces épopées, ces légendes, mémoire ancestrale de l’humanité.
Quelle responsabilité et quel honneur ! Ne laissons pas le froid geler notre parole.
Qu’elle soit juste, entendue, et portée plus loin encore par vous qui l’entendez.