Après un stage intensif avec Catherine Zarcate dont je parlerai plus tard, le Festival EPOS m’a permis d’observer ce que les conteurs mettent d’eux-mêmes dans ce qu’ils transmettent ainsi que dans le choix de ce qu’ils décident de transmettre.
Au long des jours, ils se sont succédé pour conter à un public toujours nombreux et attentif les horreurs et les merveilles qui sont sans doute des spécificités du genre humain.
Les lieux étaient variés : parc arboré, terrasse d’un café, greniers de l’abbaye, chapelle, jardin du cloître, cave vinicole…
Les thèmes l’étaient aussi : contes tsiganes de Pologne, mythologie grecque, contes traditionnels d’Europe, récits littéraires d’Amérique du Nord, du Vietnam, d’Espagne …
Les spectacles du soir ont proposé des récits épiques de l’Inde, des Antilles, d’Afrique centrale, de Mésopotamie, et de l’Orient.
La dernière nuit du festival est arrivée. Celle où « Tout le monde raconte ».
Durant quinze heures consécutives, la parole ininterrompue est portée par des voix d’hommes et de femmes qui disent (en dix minutes maximum) avec leurs mots et la façon qui leur est propre un conte, un rêve, un souvenir, une anecdote…
Mes camarades de stage et moi-même en étions, mettant à profit ce que nous avions appris avec Catherine Zarcate quelques jours plus tôt.
Il y avait des voix jeunes aussi : une petite fille de neuf ans, et deux jeunes filles. Toutes les trois avaient une présence émouvante sur scène.
Voix disant, voix chantant, a capella ou accompagnées de musique, tout était là. Simplement.
Entrelacés au cours de la nuit, les contes extraits du « Récit de Shéhérazade » ont été le fil rouge déroulé par Bruno de la Salle qui s’accompagnait au cristal Baschet, entouré d’Aimée de la Salle, Anne-Gaël Gauducheau, Solange Boulanger et Theresa Amoon.
Conte, musique et chant ont porté cette parole nocturne. Les personnalités présentes sur scène étaient très différentes et cependant il y avait une belle homogénéité de l’ensemble.
La féérie de cette parole qui circule, de ces refrains psalmodiés, le timbre et le rythme de chaque voix sont entrés dans ma mémoire.
Ce qu’il me reste de cette nuit, outre l’émerveillement de ces heures qui nous amenaient d’un jour finissant à un jour naissant ?
C’est que l’autorité d’une parole est possible, avec toute la gravité et la légèreté requises pour les oreilles qui la reçoivent.
C’est qu’un conte et une légende peuvent être dits avec une grande liberté sans qu’en soit trahi leur sens.
C’est que le conteur peut conter (et sans doute le doit-il) en étant libre de toute intention envers ses auditeurs.
Précieux enseignement.