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« Élisée Reclus, géographe, écologiste et anarchiste »

Tel est le titre de l’ouvrage de Jean-Didier Vincent (membre de l’Académie des sciences depuis le 18 novembre 2003 et membre de l’Académie de médecine)  publié en 2010 dont je viens de terminer la lecture.

Autant dire que, par les temps qui courent, il est vivifiant de faire connaissance avec des hommes de la trempe d’Élisée Reclus.

Elisée Reclus par Nadar 3 Elisée Reclus par Nadar 1

2 portraits d’Elisée Reclus par Nadar
(photo n°1: non datée, photo n°2: vers 1900)

Élisée Reclus (18301905), géographe libertaire, Communard, militant et théoricien anarchiste a été un pédagogue et un écrivain prolifique.
Végétarien, naturiste, partisan de l’union libre, enthousiasmé par l’espéranto (langue créée à la fin du XIXème siècle), il est resté fidèle à ses choix envers et contre tout, a soutenu les combats qui lui semblaient justes et dans lesquels il mettait toute son énergie et ses ressources.
En octobre 1894, alors qu’il a créé l’Université nouvelle de Bruxelles avec d’autres professeurs démissionnaires après la fermeture de l’Université libre de Bruxelles qui lui offrait une chaire de géographie comparée, il a eu pour élève notamment  Louise Eugénie Alexandrine Marie David, plus connue sous le nom d’Alexandra David-Néel.

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 Quelques citations extraites des ouvrages d’Élisée Reclus :

Sur l’écologie

« La question de savoir ce qui dans l’œuvre de l’homme sert à embellir ou bien contribue à dégrader la nature extérieure peut sembler futile à des esprits soi-disant positifs : elle n’en a pas moins une importance de premier ordre. Les développements de l’humanité se lient de la manière la plus intime avec la nature environnante. Une harmonie secrète s’établit entre la terre et les peuples qu’elle nourrit, et quand les sociétés imprudentes se permettent de porter la main sur ce qui fait la beauté de leur domaine, elles finissent toujours par s’en repentir. Là où le sol s’est enlaidi, là où toute poésie a disparu du paysage, les imaginations s’éteignent, les esprits s’appauvrissent, la routine et la servilité s’emparent des âmes et les disposent à la torpeur et à la mort. Parmi les causes qui dans l’histoire de l’humanité ont déjà fait disparaître tant de civilisations successives, il faudrait compter en première ligne la brutale violence avec laquelle la plupart des nations traitaient la terre nourricière. Ils abattaient les forêts, laissaient tarir les sources et déborder les fleuves, détérioraient les climats, entouraient les cités de zones marécageuses et pestilentielles ; puis, quand la nature, profanée par eux, leur était devenue hostile, ils la prenaient en haine, et, ne pouvant se retremper comme le sauvage dans la vie des forêts, ils se laissaient de plus en plus abrutir par le despotisme des prêtres et des rois. »
(Du Sentiment de la nature dans les sociétés modernes, La Revue des deux mondes, n°63, 15 mai 1866).

 Sur le progrès

« De quels chants de triomphe en l’honneur du progrès n’ont pas été accompagnées les inaugurations de toutes les usines industrielles avec leurs annexes de cabarets et d’hôpitaux ! Certes, l’industrie amena de réels progrès dans son cortège, mais avec quel scrupule il importe de critiquer les détails de cette grande évolution ! Les misérables populations du Lancashire et de la Silésie nous montrent que tout n’a pas été progrès sans mélange dans leur histoire ! Il ne suffit pas de changer d’état et d’entrer dans une classe nouvelle pour qu’on acquière une plus grande somme de bonheur. »
(L’Homme et la Terre, tome VI, Paris, Librairie universelle, 25 octobre 1905, p. 501-541)

« […] prendre définitivement conscience de notre humanité solidaire, faisant corps avec la planète elle-même, embrasser du regard nos origines, notre présent, notre but rapproché, notre idéal lointain, c’est en cela que consiste le progrès. »
(L’Homme et la Terre, tome VI, Paris, Librairie universelle, 1905, page 565)

Sur le vote

« Voter, c’est abdiquer ; nommer un ou plusieurs maîtres pour une période courte ou longue, c’est renoncer à sa propre souveraineté. Qu’il devienne monarque absolu, prince constitutionnel ou simplement mandataire muni d’une petite part de royauté, le candidat que vous portez au trône ou au fauteuil sera votre supérieur. Vous nommez des hommes qui sont au-dessus des lois, puisqu’ils se chargent de les rédiger et que leur mission est de vous faire obéir.

Voter, c’est être dupe ; c’est croire que des hommes comme vous acquerront soudain, au tintement d’une sonnette, la vertu de tout savoir et de tout comprendre. Vos mandataires ayant à légiférer sur toutes choses, des allumettes aux vaisseaux de guerre, de l’échenillage des arbres à l’extermination des peuplades rouges ou noires, il vous semble que leur intelligence grandisse en raison même de l’immensité de la tâche. L’histoire vous enseigne que le contraire a lieu. Le pouvoir a toujours affolé, le parlotage a toujours abêti. Dans les assemblées souveraines, la médiocrité prévaut fatalement.

Voter c’est évoquer la trahison. Sans doute, les votants croient à l’honnêteté de ceux auxquels ils accordent leurs suffrages  — et peut-être ont-ils raison le premier jour, quand les candidats sont encore dans la ferveur du premier amour. Mais chaque jour a son lendemain. Dès que le milieu change, l’homme change avec lui. Aujourd’hui, le candidat s’incline devant vous, et peut-être trop bas ; demain, il se redressera et peut-être trop haut. Il mendiait les votes, il vous donnera des ordres. L’ouvrier, devenu contremaître, peut-il rester ce qu’il était avant d’avoir obtenu la faveur du patron ? Le fougueux démocrate n’apprend-il pas à courber l’échine quand le banquier daigne l’inviter à son bureau, quand les valets des rois lui font l’honneur de l’entretenir dans les antichambres ? L’atmosphère de ces corps législatifs est malsain à respirer, vous envoyez vos mandataires dans un milieu de corruption ; ne vous étonnez pas s’ils en sortent corrompus.

N’abdiquez donc pas, ne remettez donc pas vos destinées à des hommes forcément incapables et à des traîtres futurs. Ne votez pas ! Au lieu de confier vos intérêts à d’autres, défendez-les vous-mêmes ; au lieu de prendre des avocats pour proposer un mode d’action futur,  agissez ! Les occasions ne manquent pas aux hommes de bon vouloir. Rejeter sur les autres la responsabilité de sa conduite, c’est manquer de vaillance. »
(Clarens, Vaud, 26 septembre 1885. Élisée Reclus : Lettre à Jean Grave parue dans Le Révolté, octobre 1885).

Sur l’anarchie

« Notre destinée, c’est d’arriver à cet état de perfection idéale où les nations n’auront plus besoin d’être sous la tutelle d’un gouvernement ou d’une autre nation; c’est l’absence de gouvernement, c’est l’anarchie, la plus haute expression de l’ordre. »

Citations extraites du livre de Jean-Didier Vincent, « Élisée Reclus, géographe, anarchiste, écologiste », Robert Laffont, 2010)

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Voilà de quoi nourrir et approfondir une réflexion urgente et nécessaire.